Paul Durand
Paul Durand est doctorant en histoire à l’Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux (Iris), en cotutelle internationale de thèse avec la Technische Universität Dresden.
Résumé et titre prévisionnels de la thèse
« Est-il qu’à la dérobée quelqu’un puisse nous voir ? » – Les masculinités déviantes face aux dispositifs policiers, judiciaires et médicaux de contrôle des sexualités. Une histoire croisée des homosexualités masculines de l’entre-deux-guerres entre trois villes de taille moyenne : Angers, Chamnitz et Lecce (1919-1939).
Le travail de thèse se base sur l’étude de « dossiers de procédure. » Il s’agit de larges intercalaires où l’institution judiciaire regroupe les documents qu’elle édite au cours d’un procès. On y trouve des interrogatoires de police, des confrontations face au juge d’instruction, des rapports de médecins psychiatres, des actes d’audience correctionnelle et une pléiade d’autres documents… Les « dossiers de procédure » que j’ai sélectionnés portent le titre « Outrages publics à la pudeur. » Ce chef d’accusation nous permet d’identifier les affaires présentant des faits d’homosexualité des autres affaires.
A partir de l’étude de ces dossiers, le travail de recherche identifie deux problématiques.
La première est tirée de l’étude des “prises de paroles” des hommes homosexuels au cours de leur procès. On constate que, face au juge d’instruction, sommés de s’expliquer sur les faits, les accusés définissent leur homosexualité sans reprendre le langage répressif du « médecin », du « policier », du « droit » ou de la « littérature ». Ce langage fonde pourtant l’identité homosexuelle telle qu’elle est connue par les historiennes et les historiens.
La seconde problématique questionne les ressorts juridiques de la répression. A cet effet, nous questionnons, par l’écriture d’une histoire croisée, les textes de loi en France, en Italie et en Allemagne, relatifs à la répression de l’homosexualité. Cette dernière, en France, ne constitue plus un délit depuis la Révolution. Elle est considérée comme appartenant au domaine privé de la famille, où l’Etat n’a pas de droit de regard, et où le « pater familias » gouverne. Les instances judiciaires punissent alors le caractère public de l’acte homosexuel et non l’acte lui-même. Pour l’Allemagne totalitaire, en revanche, l’homosexualité ne fait pas partie du domaine privé, et est donc inscrite comme délit dans le Code pénal. L’Italie de l’entre-deux-guerres dispose paradoxalement d’une législation semblable à celle de la France, et l’Etat, bien que totalitaire, n’a pas de droit de regard, sur l’homosexualité qui appartient au domaine du privé.
Sous la co-direction de Régis Schlagdenhauffen, Dominik Schrage et Gisela Hürlimann
Plus d’informations sur sa page personnelle de l’Iris.